La guerre des étoiles

« Le référencement naturel, Coco, c’est pas bien compliqué. Tu trouves un titre vendeur à ton article, et en avant Guingamp ! »

Faisant confiance aux spécialistes en marketing social et flatté par la référence bretonnante à la terre d’une partie de mes ancêtres (l’autre partie ayant décidé de noyer son chagrin dans le pastis plutôt que dans le chouchenn), je décidais donc de donner à cet article un titre vendeur mais ô combien fidèle au sujet que je compte développer ici.

La fidélité n’interdisant pas la supercherie, je dois tout de même vous prévenir qu’il ne sera pas question d’empire galactique, de princesse en bikini, ni de maître zen dont la grammaire se résume à inverser systématiquement groupe verbal et groupe nominal dans chacune de ses phrases, preuve s’il en est que le nabot verdâtre a dû sécher quelques cours durant sa scolarité intersidérale !

Bref, ne faisons plus durer le suspense : c’est bien des étoiles, pouces en l’air et autres distinctions que les journalistes et blogueurs attribuent aux films à l’affiche dont je vais vous parler. Et la guerre dont il est question est la croisade que je mène depuis toujours pour que cesse cette hégémonie des notations de films.

Bien entendu, j’ai participé comme tout le monde à ce mouvement, vous trouverez des preuves de ces méfaits chez Vodkaster ou Sens Critique. Mais j’ai toujours regretté d’avoir réduit un film à une note ou un nombre d’étoiles. Ce traumatisme de la note trop hâtivement attribuée vient sans doute d’une période où je notais à tour de bras (et oui, j’ai été jeune moi aussi, comme vous, bandes de blogueurs pré-pubères !).

Dans les années 80 (il y a un certains nombres d’années donc. Le premier qui fait le calcul, je lui fait avaler sa carte d’accréditation au Festival de Cannes !), époque bénie où je voyais 3 films par semaine, je prenais soin de conserver mes notes, aidé dans mon classement annuel par les précieuses fiches Première (sagement prédécoupées par Monsieur Première en personne qui n’avait pas un boulot facile, je vous l’accorde). Et immanquablement, je me retrouvais à l’heure du bilan de l’année écoulée à comparer mes notes, où se côtoyaient dans un désordre aussi bordélique que ma cinéphilie Krull, La Forteresse Noire, La Couleur de l’Argent et la filmographie complète de Philippe Clair, inoxydable auteur de Rodriguez au pays des merguez (car à l’époque, comme sorties ciné d’été, on n’avait qu’Aldo Maccione sous la main comme super-héros !).

En comparant les étoiles attribuées, je me rendais compte que la note donnée dans l’enthousiasme de la sortie de projection me semblait largement au-dessus de ce qu’était devenu mon avis après quelques mois. Alors je reprenais mes fiches, je modifiais mes notes en comparant l’ensemble des films vus durant les 12 derniers mois. Et le même manège continuait tous les 12 mois, ad nauseam.

Aujourd’hui, je ne note presque plus. Sur Sens Critique ou Vodkaster, je note en priorité les films que j’ai plaisir à voir et revoir, des années après. Car un film se bonifie avec l’âge, comme un bon vin. Bien sûr, on peut surévaluer un film vu dans sa jeunesse même s’il a mal vieilli. Je porte encore dans mon coeur Wargames, Pretty in Pink ou encore Absolute Beginners mais je reste persuadé que les faire  découvrir et aimer aujourd’hui par un public de cinéphiles de 20 ans nécessiterait de solides arguments. Peu importe, ces films font partie de mon univers et aucune note ne pourra résumer la valeur que je leur attribue.

C’est bien là le cœur du problème : un film ne peut pas être réduit à une note. Une projection est une expérience qui se partage par les mots et non par les nombres. Confrères blogueurs, journalistes et podcasteurs, même si vous êtes persuadé qu’une note peut être universellement comprises, vous vous trompez. Chacun analyse votre note selon son propre jugement. Au final, seul votre article compte, vos mots sont les meilleurs vecteurs de votre passion (ou de votre aversion) pour un film. Ne condamnez pas une oeuvre par une note « éliminatoire ». Ou alors trouvez un autre moyen de synthétiser votre avis (les micro-critiques des membres de Vodkaster comme les tweets de sortie de projo de l’ami Fred alias Cliffhanger sont de parfaits exemples de ce que peut être une bonne synthèse), créez votre propre « notation », inventez que diable ! Le cinéma vous en sera reconnaissant.

Compte-tenu de l’immense majorité des « noteurs » dans la blogosphère cinéphile, je suppose (du moins j’espère) que cet article en fera réagir plus d’un. J’attends vos commentaires avec impatience. Des commentaires « 5 étoiles », bien entendu 🙂